Dès l’été 1940, dans la perspective de la bataille d’Angleterre, les Allemands ouvrent des chantiers d’aménagements sur les aérodromes du département (Saint-Brieuc, Dinan, Lannion-Servel) afin de les adapter aux exigences de la Luftwaffe. Dans le cadre de l’Organisation Todt (OT), les Allemands démarrent également des travaux de fortifications côtières.
Au moment du lancement du Mur de l’Atlantique (août 1942), ce sont plus de 4 000 personnes qui sont employées au sein de l’OT dans le département (entreprises françaises ou allemandes). Il faut y ajouter plusieurs autres milliers dans les usines travaillant pour le Reich en particulier dans le secteur métallurgique (par exemple Tanvez et Chaffoteaux). La Wehrmacht devient ainsi, et de loin, le premier employeur du département. En raison du chômage et des salaires deux à trois fois supérieurs à ceux des entreprises françaises où ils sont bloqués, les chantiers allemands attirent sans peine chômeurs mais aussi de nombreux volontaires qui quittent leurs emplois, ce qui suscite le mécontentement des patrons d’entreprises et des exploitants agricoles qui dénoncent cette concurrence déloyale.
Nombreuses sont donc les entreprises locales (en particulier celles de bâtiment et de travaux publics) à collaborer économiquement à l’effort de guerre allemand : la plupart sont bientôt classées Rüstung et S Betrieb, c’est-à-dire qu’elles sont protégées par l’occupant et prioritaires. Il est même nécessaire de faire appel à d’autres entreprises régionales ou nationales et même à des travailleurs étrangers, notamment d’Afrique du Nord. En fait, si toutes ces entreprises profitent de la manne allemande, elles n’ont guère le choix, tous les chantiers importants autres que ceux de l’occupant étant interdits à la fin de 1942.
Cependant, du chômage de 1940 on passe à la pénurie de main d’œuvre à l’été 1942 avec la décision d’Hitler d’édifier le Mur de l’Atlantique : des centaines d’offres d’emploi pour les chantiers côtiers du département ne sont plus satisfaites et la population locale est de moins en moins désireuse de travailler pour l’occupant. Au travail volontaire vont devoir succéder bientôt la réquisition et la fermeture d’entreprises non-prioritaires pour dégager des bras. Ainsi, avant de recourir à la réquisition, la préfecture lance une enquête communale en novembre 1942. Les résultats sont éloquents sur le revirement de l’état d’esprit de l’ensemble de la population : dans les 275 communes qui ont répondu, seules 9 personnes sont « aptes » à travailler pour l’OT…