Si, en raison du chômage notamment, des milliers de travailleurs du département acceptent dans un premier temps l’embauche locale sur les chantiers et les entreprises au service du Reich, il n’en est pas de même pour les offres de travail volontaire en Allemagne. En effet, pour répondre à la militarisation croissante de l’économie allemande et remplacer les travailleurs allemands mobilisés, la propagande nazie et vichyste (presse, affiches) tente d’attirer les travailleurs français dans les usines outre-Rhin par des offres alléchantes. Or, de 1941 à juin 1942, les départs volontaires sont peu nombreux : c’est le cas en particulier dans les Côtes-du-Nord (quelques dizaines tout au plus). Il est clair que la politique d’embauche sur place entre en contradiction avec la volonté du Gauleiter nazi Sauckel d’envoyer des travailleurs en Allemagne.
Mais en juin 1942, la situation change. Pour répondre aux exigences de cette première action Sauckel, Pierre Laval, de retour au pouvoir, accepte de marchander en lançant la « Relève », c’est-à-dire le troc d’un prisonnier libéré pour 3 ouvriers partis travailler en Allemagne. Ce dispositif est un double échec pour vichy : non seulement les retours de prisonniers sont très faibles (au plus 250 dans le département) au grand dam du Préfet, mais dans l’autre sens, les départs se font au compte-goutte (une quarantaine de juin à août 1942).
La Relève volontaire étant un échec, et pour couvrir les exigences allemandes, Vichy décrète le 4 septembre une loi lui permettant de réquisitionner la main d’œuvre notamment celle qui est « sans emploi ». Cette loi ne fait qu’accroître l’hostilité. Les entreprises et les municipalités, en ne jouant pas le jeu du recensement, refusent de participer à l’envoi d’ouvriers en Allemagne. Au « contingent modèle » (60 jeunes ouvriers encadrés par quelques jeunes patrons) qui a quitté Guingamp le 1er octobre, ont succédé des départs beaucoup plus agités. Dans les gares de la ligne Paris-Brest, des manifestations éclatent aux cris de « A mort Laval ! A mort les Boches ! » comme à Saint-Brieuc le 16 novembre 1942. Les premiers réfractaires sont signalés par la gendarmerie, mais ils sont remplacés par d’autres requis.
Finalement la relève a été difficilement réalisée dans les Côtes-du-Nord (sur le millier de travailleurs demandés, seuls 780 sont réellement partis entre juin et décembre 1942) et a entraîné « une résistance unanime » selon le préfet d’autant plus qu’une 2e opération Sauckel est lancée dès janvier 1943, relayée bientôt par le STO.