Mémoire Résistance et Déportation dans les Côtes-du-Nord

Fresnes (février 1944)

Le 2 février 1944, ils sont tous les trois, Le Cornec, Salaün, Geffroy, transférés à la prison de Fresnes. Le 11 février, la sentence du tribunal du Haut Commandement militaire de Paris tombe : ils sont condamnés à mort.

Les familles, pour obtenir le droit de rencontrer les prisonniers, doivent, avant la visite à Fresnes, se rendre au Haut Commandement militaire. Une seule visite par semaine est autorisée.

Les parents d’Yves Salaün l’ont rencontré une première fois. Le 25 février, M. Salaün retourne à Paris, accompagné cette fois de sa fille. Il monte le grand escalier pour aller recevoir l’autorisation de visite. Sa fille le voit bientôt redescendre, bouleversé. Il vient d’apprendre que son fils et ses camarades ont été fusillés le 21.

Après une longue attente à la gare Montparnasse, Annick et son père peuvent regagner Saint-Brieuc. Ils doivent annoncer l’affreuse nouvelle, qui se répand très vite dans Saint-Brieuc, au lycée, à la prison et bientôt dans toute la région, semant la consternation.

Il est 15 h 16, ce jeudi 21 février 1944. Dans la sinistre clairière du Mont-Valérien à Suresnes, Georges Geffroy, Pierre Le Cornec, Yves Salaün tombent sous les balles du peloton d’exécution allemand. Le même jour, subissent le même sort les membres du groupe Manouchian, de la MOI. Plus tard leur sacrifice sera immortalisé par le poème d’Aragon L’Affiche rouge, mis en musique par Léo Ferré.

Quatre heures auparavant, les trois jeunes lycéens briochins écrivirent une dernière lettre à leur famille. Ces lettres furent transmises à Londres par Yvon Jézéquel. Elles furent lues à la radio anglaise et publiées dans la presse.

On remarquera que chacun précise qu’ils sont enfin tous les trois réunis après deux mois d’isolement en cellule. Les dix jours qu’ils viennent de vivre depuis leur condamnation auraient pu être vécus moins cruellement.

On notera que Georges Geffroy, qui parle encore de pasteur catholique s’est converti à la veille de sa mort. […]

[Lettres des trois lycéens le 21 février 1944]

Le 5 mars, un service funèbre fut célébré à Saint-Brieuc, dans la chapelle Notre-Dame-d’Espérance, à la mémoire des trois lycéens qui venaient d’être fusillés.

Un catafalque, recouvert d’un drapeau tricolore, avait été dressé devant l’autel. A la fin de la cérémonie, La Marseillaise fut jouée à l’harmonium, sur un rythme ralenti qui lui donnait une nostalgie émouvante. La chapelle était pleine de monde bien que, naturellement, tout eût été préparé très discrètement. A la suite du service funèbre qu’il avait eu l’audace de célébrer de cette façon, l’aumônier l’abbé Vaugarni dut abandonner sans délai ses fonctions et quitter Saint-Brieuc. […]

Le 7 mars, un autre service funèbre est célébré à Etables-sur-Mer, à la mémoire de Pierre Le Cornec. Cette fois, prévenus, les Allemands entendent y mettre bon ordre et amènent des camions pour prévenir toute manifestation. La foule se retire dans le calme. Cependant dix-sept personnes dont cinq membres de la famille Le Cornec et six de la famille Le Savouroux sont arrêtées et incarcérées à Preuilly-sur-Claise, près de Châtellerault. Elles ne retrouveront la liberté que cinq mois plus tard.

Source : Extrait de Association des anciens élèves du Lycée Anatole Le Braz Saint-Brieuc, Ouvrage collectif, DE LA NUIT A L’AURORE, Des lycéens dans la guerre, 1939-1945, Les Presses Bretonnes, 1995. p. 221-234.

 

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