Fin octobre 1944, Alphonse Pêcheur, un agriculteur des Forges, un hameau de L’Hermitage-Lorge, coupe des fougères dans la forêt. Son attention est attirée par des trous dont le fond est à peine recouvert de terre et de feuilles ; il gratte, il sent, il sait : il a découvert un charnier nazi.
Le lieu s’appelle la Butte-Rouge. Non pour rappeler un événement sanglant, mais parce qu’on y extrayait autrefois ce minerai de fer qui rouille encore la terre aujourd’hui. Les excavations irrégulières, vestiges de cette exploitation artisanale, vont servir de fosse commune à 36 résistants et otages. Terminus d’un calvaire commencé à Uzel, à 3 Km de là.
Une classe de l’Ecole communale des garçons y a été reconvertie en centre d’interrogatoire. Traduisez centre de torture. La Gestapo et les SS y mènent leur brutale besogne avec l’aide de miliciens de la Bézenn Perrot, qui porte avec zèle l’uniforme allemand.
Au début de l’été 44, tandis que les alliés se fraient un chemin en Normandie, des dizaines de résistants, des parachutistes, des paysans accusés d’avoir abrité des aviateurs américains ou de simples otages, vont passer par Uzel. Il n’y a que deux issues : on les relâche ou on les exécute.
La Butte-Rouge verra la fin des souffrances de 4 femmes : Mireille Chrisostome, 20 ans, agent de liaison du Front National, Madame Guélibo, 56 ans, de Hénon, et ses deux filles, Jeanne-Marie, 19 ans et Bernadette, 21 ans. Amenés par petits groupes, fusillés, pendus ou achevés d’une balle dans la nuque, les martyrs sont jetés dans les antiques fosses de la forêt. Deux d’entre eux n’ont jamais pu être identifiés.
Mais le sinistre décompte de la Butte-Rouge ne s’arrête pas là. En août, quelques jours après la libération des Côtes-Du-Nord, la quête acharnée du père d’un jeune résistant avait déjà permis de retrouver 19 corps. Ceux de maquisards FTP des secteurs de Callac et de Plouaret, arrêtés entre janvier et avril, et fusillés à Ploufragan le 6 mai 1944. Un mois jour pour jour avant le débarquement !
Le charnier de la Butte-Rouge n’est, hélas, pas le seul du département. Des exécutions sommaires de résistants ou d’otages, suivies d’un enfouissement pour le moins bâclé, ont eu lieu également dans le bois de Malaunay, près de Guingamp, à Plestan, à l’est de Lamballe, à Pleubian, à Servel, à La Couture, près d’Erquy et en de nombreux autres sites.
Source : Supplément Ouest-France "La Libération des CDN" 1994, p. 40.
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